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8/6/2022

Voici pourquoi cette vidéo de Lufthansa est du greenwashing

L’objectif de cet article n’est pas de dénigrer, loin de là. L’objectif est d’analyser cette publicité, d’expliquer quels éléments mènent à du greenwashing et à donner des pistes pour l’éviter. Tout ce que Lufthansa souhaite mettre en place est positif. Mais la manière de le présenter est incorrecte voire malhonnête. Analysons tout ça.

Tout d’abord, vous pouvez retrouver leur vidéo ici: https://www.youtube.com/watch?v=jT-OpFjC5-A 

Quels sont les éléments menant à du greenwashing?

Cette vidéo est un cas d’école. Il faut dire que Lufthansa y a été fort. Ils ont réussi à reprendre quasiment tous les aspects du greenwashing.

Les visuels

Le premier élément, ce sont les visuels. L’ADEME (l’agence pour l’environnement en France) le dit noir sur blanc dans ses recommandations. “Le visuel utilisé suggère que le produit ou service possède des vertus écologiques qu’il n’a pas ou peu.”.

Ici on y est dès les premières secondes. Durant toute la vidéo, des visuels de nature sont utilisés pour créer une atmosphère, une impression de vertu écologique. 

Il y a d’abord les images de bambou. Bambous qui sont en fait soit utilisés pour effectuer de la compensation carbone, soit pour faire des couverts (on y reviendra, mais cela n’a rien à voir avec leur activité principale). En disant “what does this (bamboo) have to do with flying?”, on induit en erreur en pensant que l’avion a un lien étroit avec le bambou. Alors que non, ils l’utilisent comme absorbant Co2 car il pousse rapidement. C’est une bonne chose de compenser, mais rappelons que la première étape reste la réduction de ses émissions. Lier leur produit (les avions) à des bambous pour compenser est donc trompeur. Le visuel suggère que leurs avions ont des vertus écologiques alors que non.

Il y a aussi l’image d’une forêt à 22 secondes. Sans aucune raison légitime, hormis suggérer une représentation fausse.

Une promesse disproportionnée 

À 1 min 23, ils disent “That’s how we aspire to bring flying and nature into harmony”. Ils enchaînent en disant “We make sharks fly, we make bamboo fly. We make oil and waste fly. We make change fly”. Tout ça avec des images de nature bien évidemment. Le terme “aspire” est important car il permet de mettre en avant que ce n’est pas le cas aujourd’hui. On reviendra sur ce point plus tard. Aujourd’hui, c’est un tout cas un peu gros d’associer les mots flying et nature. Car les deux sont en opposition. Il aurait fallu mettre plus de nuance. Et le mot “aspire” n’est probablement pas suffisamment clair pour exprimer cette nuance.

Enfin, les expressions du style “we make bamboo fly” sont, excusez-nous l’expression, du grand n’importe quoi. Ils utilisent le présent alors que rien de tout ça n’est mis en place aujourd’hui. Le seul terme qui pourrait être accepté est “we make oil and waste fly”. Pour le reste, ce n’est pas correct. Les termes et les images, encore une fois, suggèrent des vertus écologiques alors que ce n’est pas le cas aujourd’hui. Et la promesse est clairement disproportionnée. L’ADEME le dit très bien: “Le produit ou service a un intérêt écologique, mais cela ne le rend pas pour autant inoffensif ni bénéfique pour l’environnement. Or, le message omet cette précision et laisse croire à un intérêt écologique supérieur à la réalité, voire à l’absence totale d’impact du produit ou service sur l’environnement”. Rappelons qu’ici, l’intérêt écologique n’est même pas encore existant. C’est uniquement une aspiration. La démarche n’est donc clairement pas aussi développée que le message laisse croire.

Une mise en avant hors sujet

Pour revenir au bambou. Et sur le fait qu’ils l’utilisent pour en faire des couverts compostables. C’est super comme initiative. Mais cela n’a quasiment aucun lien avec leur service principal. C’est une minuscule goutte d’eau dans l’océan. L’impact de l’aviation vient presque exclusivement de la consommation de carburant. Pas des couverts. Cela n’a pas sa place dans une vidéo qui traite de comment changer le monde de l’aviation. C’est juste rajouter une couche pour se faire passer pour une entreprise qui se bouge, alors que l’impact sera minime.

Des informations insuffisantes voire inexistantes

Lufthansa avance de nombreuses nouvelles technologies pour réduire son impact. Pourtant sur son site, on retrouve très peu d’informations. Elles sont vagues et ne vont pas dans le détail. Aujourd’hui, à notre connaissance, utiliser de l’huile végétale est complètement insuffisant pour remplacer l’essence classique. Ils envisagent que cela représente quel pourcentage? Rien n’est dit. Ils utilisent la compensation carbone, certes. Où et pour quelle quantité de CO2? Rien n’est dit. 

Il faut être transparent et précis. Si vous dites que vous allez utiliser ceci ou utiliser cela, on doit retrouver des informations à ce sujet. C’est de la transparence. Si vous n’êtes pas transparents, oui, vous faites du greenwashing. Peut-être que Lufthansa a ces chiffres (je l’espère sincèrement), mais il faut les communiquer sinon on ne peut pas savoir si ce sont des promesses en l’air ou pas.

L’impact positif des mesures est sur du long-terme

La grande majorité des mesures annoncées sont des promesses dans le futur (2050). Il est important de bien le signaler et ce n’est pas assez le cas dans la vidéo. Une des bases du greenwashing est de mettre en avant ce qu’on compte faire alors qu’il n’y a aujourd’hui rien qui est fait. Attention, c’est évidemment important d’avoir un plan d’action. Mais en faire une vidéo incroyable pour mettre en avant des plans, c’est pour se donner une bonne image alors qu’aujourd’hui rien n’est fait. Ce qui est figurez-vous la définition du greenwashing. Se donner une image écoresponsable qui n’est pas fidèle à la réalité.

L’utilisation de la neutralité carbone

On en a déjà parlé, mais l’ADEME et tous les scientifiques insistent pour dire que la neutralité carbone ne peut pas être utilisée au niveau d’une entreprise. Mais uniquement d’un pays ou d’un continent. Car c’est un équilibre entre émissions et absorptions. Cela ne peut se faire qu’à une échelle macro. Ce n’est pas pour rien qu’en France, dès 2023, il sera interdit d’utiliser cette affirmation sans donner de preuves concrètes. Cela rejoint un des points précédents, ici rien n’est donné. 


Il est donc conseillé de ne pas utiliser ce terme de neutralité carbone.

Quelles pistes pour en faire une vidéo sans greenwashing?

Il y a beaucoup de travail comme vous l’avez remarqué. Premièrement, il faut plus d’honnêteté. Cela ne sert à rien de prendre les consommateurs pour des imbéciles. Dites sincèrement que l’aviation n’est aujourd’hui pas bonne pour la planète. Que cela a des impacts. Mais que vous en êtes conscients. Et que vous faites tout en votre mesure pour changer la donne et réduire les impacts de l’aviation. Bien entendu, il faut que derrière il y ait vraiment une ambition de changer les choses, le but n’est pas de donner des paroles en l’air. 

Il faut aussi arrêter de faire croire avec la neutralité carbone que l’avion peut être absolument sans impact. Encore une fois, soyez honnêtes et dites que prendre l’avion aura toujours un impact sur l’écologie. Mais que vous réduisez au maximum son impact via plusieurs mesures.

Toujours à ce sujet, il faut plus mettre en avant que ce sont des objectifs dans le futur. Et que cela n’est pas le cas aujourd’hui. On ne peut pas utiliser le présent “we make change fly”, alors qu’aujourd’hui les mesures évoquées sont à peine utilisées. 

Au niveau des images, il faut être vraiment vigilant à ce qui est utilisé. Puisque ce sont des engagements pour le futur, utiliser des images de nature est fallacieux et malhonnête. Et la vidéo est très bien faite car on y croit. Mais il faut utiliser d’autres images car cela suggère un message qui est faux.

En ce qui concerne les informations, il est indispensable de dire lors de la vidéo qu’on peut retrouver tout un rapport et toutes les informations sur un site dédié. Et que toutes ces informations se retrouvent effectivement sur ce site. Et pas de manière vague, mais très précise. 

Il ne faut pas parler des bambous car c’est hors sujet. En tout cas pas pour les couverts compostables. On peut l’énoncer pour sa capacité d’absorption de CO2, mais il faut alors bien mettre en avant que c’est la deuxième étape: l’absorption. Que c’est une manière supplémentaire, mais que votre objectif reste la diminution de vos émissions. Et il ne faut pas dire “what does this (bamboo) have to do with flying”. C’est complètement hors sujet.

Enfin, il faut faire extrêmement attention aux promesses disproportionnées. Il faut enlever we make bamboo fly, we make sharks fly. Cela fait passer le message que l’avion est positif, alors que non. Cela rejoint le premier point. Certes ces mesures peuvent avoir un intérêt écologique, mais celui-ci est supérieur à la réalité. 

C’est forcément compliqué pour une compagnie aérienne de parler de ses services sans faire du greenwashing, car leurs services sont de base fortement émetteurs de CO2. Mais il faut être honnête et transparent si on souhaite ne pas effectuer de greenwashing. Cela demande un réel travail et de réels engagements. C’est possible, mais très compliqué. À vous de choisir. 

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